Partie F : IE-NCLC
L’intégration de l’évaluation des NCLC dans votre classe de FLS
L’intégration de l’évaluation des NCLC dans votre classe de FLS
L’instructeur qui a travaillé avec les Niveaux de compétence linguistique canadiens a fort probablement fait l’expérience des classes à niveaux multiples. Les apprenants étaient peut-être de plusieurs niveaux (NCLC 1 à 4, par exemple) ou de niveaux supérieurs ou inférieurs aux NCLC à l’égard de plus d’une habileté langagière. Le syntagme « à niveaux multiples » désigne ces deux réalités.
Le présent chapitre présente les mesures que peut prendre l’instructeur pour adapter ses pratiques d’évaluation aux apprenants de plus d’un niveau. Voyons d’abord le profil des classes.
PRÉOCCUPATIONS
« Les apprenants de ma classe sont de divers niveaux – comment satisfaire tous leurs besoins? »
« Comment évaluer les apprenants de différents niveaux au moyen des mêmes tâches et outils? »
Quel que soit le contexte pédagogique, les classes se composeront vraisemblablement d’apprenants de niveaux variés. Afin de déterminer pour quels niveaux planifier le module, il faut d’abord établir la répartition des niveaux correspondant à chacune des habiletés. L’instructeur verra ainsi dans quels niveaux les apprenants sont les plus nombreux, de même que les écarts de niveaux pour chaque habileté. Un moyen rapide et facile d’y parvenir est de dresser un profil de la classe comme celui ci-dessous, très informatif pour les instructeurs.
La majorité des apprenants de la classe visent le NCLC 3 pour les quatre habiletés langagières (en vert dans le tableau ci-dessous). L’instructeur qui souhaiterait appliquer un seul niveau enseignerait et évaluerait au NCLC 3 pour les quatre habiletés.
Profil de la classe : évaluation d’un seul niveau | ||||
NIVEAU À L’ADMISSION | COMPRÉHENSION DE L’ORAL | EXPRESSION ORALE | COMPRÉHENSION DE L’ÉCRIT | EXPRESSION ÉCRITE |
NCLC 1 achevé | 1 apprenant | 0 apprenant | 2 apprenants | 5 apprenants |
NCLC 2 achevé | 12 | 14 | 10 | 13 |
NCLC 3 achevé | 5 | 6 | 7 | 2 |
NCLC 4 achevé | 2 | 0 | 1 | 0 |
NCLC 5 achevé | 0 | 0 | 0 | 0 |
NCLC évalué (visé) | 3 | 3 | 3 | 3 |
Dans la même classe, si l’instructeur souhaite évaluer deux niveaux, il doit déterminer le second niveau en importance des apprenants au sein de chaque habileté (en rose dans le tableau ci-dessous). Selon ce profil, l’instructeur préparera sans doute des tâches d’évaluation de NCLC 3 et 4 pour la compréhension de l’oral, l’expression orale et la compréhension de l’écrit, et de NCLC 2 et 3 pour l’expression écrite.
Profil de la classe : évaluation de deux niveaux | ||||
NIVEAU À L’ADMISSION | COMPRÉHENSION DE L’ORAL | EXPRESSION ORALE | COMPRÉHENSION DE L’ÉCRIT | EXPRESSION ÉCRITE |
NCLC 1 achevé | 1 apprenant | 0 apprenant | 2 apprenants | 5 apprenants |
NCLC 2 achevé | 12 | 14 | 10 | 13 |
NCLC 3 achevé | 5 | 6 | 7 | 2 |
NCLC 4 achevé | 2 | 0 | 1 | 0 |
NCLC 5 achevé | 0 | 0 | 0 | 0 |
NCLC évalués | 3 et 4 | 3 et 4 | 3 et 4 | 3 et 2 |
Dans le second profil, il existe toutefois deux cas particuliers : deux apprenants visent le NCLC 5 et un apprenant, le NCLC 2 en compréhension de l’oral. Si l’instructeur évalue deux niveaux, ses tâches en compréhension de l’oral ne seront pas orientées expressément ni vers le NCLC 5 ni vers le NCLC 2. Il pourra relever le niveau de difficulté de certaines tâches ou peut-être donner des tâches individuelles de NCLC 5. Inversement, il pourrait devoir accorder du soutien supplémentaire à l’apprenant visant le NCLC 2 ou échafauder les tâches. Dans la section des commentaires, l’instructeur indiquerait que l’apprenant a été capable de réaliser la tâche avec de l’aide (p. ex., « Vous avez réussi cette tâche avec le soutien de l’instructeur »), tout en lui donnant de la rétroaction dynamique (p. ex., « Notez l’accent tonique dans … »).
Création d’un profil de la classe
La rétroaction dynamique aidera l’apprenant à progresser et lui évitera de se décourager en ne réussissant « pas tout à fait » les tâches de façon répétée. Surtout, pour les cas particuliers en compréhension de l’oral, l’instructeur évaluera les habiletés en compréhension de l’écrit et en expression écrite selon les niveaux définis pour l’évaluation, selon le profil.
Il y a aussi des cas particuliers en compréhension de l’écrit : un apprenant a passé le NCLC 4, et deux apprenants, le NCLC 1. Là encore, pour l’apprenant de NCLC 4, l’instructeur pourrait hausser le niveau de difficulté des tâches de niveaux 3-4, et pour les apprenants de NCLC 1, échafauder considérablement les tâches ou exiger moins de réponses.
Pour ce qui est de l’expression écrite, les tâches d’évaluation seront axées sur les NCLC 2 et 3. Les apprenants des cas particuliers ont passé le NCLC 3 et visent donc le NCLC 4. En l’occurrence, l’instructeur peut évaluer et confirmer le niveau 3, et serait en mesure de fournir une plus grande rétroaction au-delà des critères déterminés qui aidera l’apprenant à progresser. Ainsi, la rétroaction portera sur les besoins courants des apprenants et sur le renforcement des compétences des apprenants des cas particuliers.
L’instructeur qui souhaite préparer des tâches d’évaluation de trois niveaux pourra procéder de la même façon pour établir le profil de la classe et déterminer lesquels évaluer.
L’adaptation des tâches destinées à plus d’un niveau implique davantage que de modifier simplement la notation. L’instructeur doit procéder avec précaution pour chaque niveau qu’il souhaite évaluer. Par exemple, s’il faut 24/30 pour réussir une tâche de compréhension de l’écrit de NCLC 6, l’apprenant qui obtient 20/30 n’est pas nécessairement au NCLC 5. Afin de bien évaluer le travail au NCLC 5, il faut harmoniser avec soin la tâche aux attentes de ce niveau.
Pour modifier une tâche d’évaluation afin de cibler des niveaux multiples, l’instructeur suivra deux étapes : il analysera d’abord la tâche, puis l’adaptera aux niveaux qu’il souhaite évaluer. L’instructeur n’a pas à modifier le module en entier; il pourra commencer par les tâches se rapportant à une habileté, puis à une autre lorsqu’il se sentira à l’aise.
Le cadre de travail de Skehan (1998), dont il est question au chapitre 4, fournit un modèle utile d’analyse de la complexité d’une tâche et de préparation des tâches et des textes destinés à plus d’un niveau à la fois. Trois facteurs influencent la difficulté d’une tâche : la complexité du code, la complexité cognitive et le stress de communication (Skehan, 1998; Rossiter & Abbot, 2012). Voici une brève description de ces facteurs.
L’interprétation de la complexité du code se fait à trois niveaux :
Complexité et variété linguistiques : Les idées sont exprimées dans un langage simple ou complexe. Par exemple, dans le cadre d’une tâche de faible niveau de complexité et de variété, les apprenants demanderaient une chambre d’hôtel standard; à un niveau plus élevé, ils demanderaient une chambre selon des exigences précises, telles que non fumeuse ou avec accès pour personnes handicapées.
Richesse et variété du vocabulaire : Le vocabulaire d’une tâche ou d’un texte est simple ou complexe. Par exemple, pour les apprenants ayant un vocabulaire plus pauvre et moins varié, la tâche consistera à rechercher de l’information d’emploi en lisant une description de poste simple sur un site gouvernemental; à un niveau supérieur, ils liront tout le profil d’emploi.
Redondance et densité du lexique : Les idées du texte sont recherchées (ou non), avec usage de synonymes, de paraphrases et d’exemples. Ainsi, les apprenants d’un niveau inférieur s’intéressant au domaine automobile pourraient lire un texte de faibles redondance et densité lexicales, comme L’automobile pour les nuls, tandis que ceux d’un niveau plus élevé pourraient comprendre un manuel en ligne sur les freins à disque, plus dense sur le plan lexical.
La connaissance de la tâche et des étapes pour l’accomplir influencent la complexité cognitive.
L’exercice est plus facile si les apprenants connaissent les trois aspects suivants :
Sujet : Les apprenants auront plus de facilité à converser sur des sujets qu’ils connaissent – comme leur quart de travail – que sur des sujets qu’ils ne connaissent pas – comme le traitement de la paie.
Genre : Les apprenants auront sans doute plus de facilité à lire ou à écrire des notes personnelles que le procès-verbal d’une réunion.
Tâche : Les apprenants auront sans doute plus de facilité à indiquer leurs antécédents professionnels sur une demande d’emploi qu’à résumer leurs compétences, tâche qui leur est moins familière.
L’exercice est en outre facilité si la somme de traitement est simplifiée relativement aux trois aspects suivants, notamment :
Organisation de l’information : Par exemple, les apprenants comprendront plus aisément une narration chronologique qu’avec retours en arrière.
Calculs requis : Par exemple, les apprenants auront plus de facilité à estimer le temps requis pour se rendre de chez eux au travail lorsque les routes sont libres que lorsqu’il y a des travaux.
Clarté et exhaustivité de l’information : Par exemple, les apprenants auront plus de facilité à lire la description d’un appartement si elle est au long que si elle est abrégée.
Type d’information : Par exemple, les apprenants auront plus de facilité à classer les aliments selon le Guide alimentaire canadien que de faire des choix sains en fonction des recommandations du Guide.
L’instructeur peut accroître ou réduire la difficulté de la tâche au moyen des conditions suivantes, ainsi que des conditions pertinentes se rapportant aux NCCL visés, décrites dans les tableaux Contextes de communication, sous chaque stade, dans le document NCLC (2012) :
En fait, l’adaptation des attentes d’un niveau à l’autre dans le cadre des NCLC correspond au contexte que décrit Skehan. Ainsi, les attentes diffèrent relativement à la tâche d’écouter le bulletin météo aux NCLC 4 et 5. Au NCLC 4, on demanderait aux apprenants d’écouter un bulletin météo très court et clair, puis de décider des vêtements à porter (NCLC, 2012, p. 11). Au NCLC 5, on demanderait aux apprenants d’écouter un bulletin météo dans le but d’informer les membres d’une équipe d’un retard causé par les conditions météo (NCLC, 2012, p. 17).
La hausse des attentes d’un niveau à l’autre dans cet exemple s’inscrit dans le cadre de Skehan. Pour la tâche au NCLC 5, on constate une plus grande complexité du code, puisqu’un vocabulaire étendu est requis; une plus grande complexité, puisque des estimations plus poussées sont nécessaires pour adapter l’horaire de travail; et un stress de communication plus grand, puisque le texte à écouter est plus long.
L’instructeur peut modifier en trois étapes ses tâches d’évaluation pour qu’elles visent plus d’un niveau.
Afin d’adapter son plan d’évaluation pour différents niveaux, l’instructeur commencera par déterminer le ou les autres niveaux visés, au moyen de profil de la classe. Il reverra ensuite son plan de module pour s’assurer que tous les éléments sont harmonisés aux niveaux devant être évalués. Le plan de module de la classe 2 montre comment intégrer deux niveaux dans un plan de module.
En utilisant le cadre de Skehan, l’instructeur peut modifier la complexité linguistique, la complexité cognitive ou le stress de communication de la tâche. Tandis qu’il examine la tâche d’évaluation et le matériel utilisé, l’instructeur doit se demander : « Quels aspects serait-il le plus judicieux de modifier pour cette tâche en particulier? », et selon la réponse, il pourra modifier les tâches d’évaluation des habiletés productives ou réceptives.
L’instructeur peut adapter une tâche d’évaluation des habiletés productives au niveau supérieur ou inférieur. Par exemple, la tâche de NCLC 2 Passer une commande simple dans un restaurant serait préparée de façon à ce que l’apprenant parle directement au serveur, appuyé de gestes et d’illustrations, au moyen de courtes expressions et de courtes phrases, avec peu d’enchaînements du discours. La tâche peut être adaptée au niveau supérieur ou inférieur de la façon suivante :
Abaisser au NCLC 1 : Pour adapter la complexité du code, l’instructeur peut demander aux apprenants de n’utiliser qu’une seule expression ou phrase, telle que « Un café, s’il vous plaît »; pour adapter le stress de communication, il peut leur demander de ne commander qu’une seule chose.
Hausser au NCLC 3 : Pour adapter la complexité du code, l’instructeur peut demander aux apprenants de commander au moyen de courtes phrases; pour adapter le stress de communication, il peut accroître le nombre de choses à commander; pour adapter la complexité cognitive, il peut demander aux apprenants d’ajouter l’introduction et la conclusion qui conviennent, ou de répondre à une question imprévue.
Pour adapter une tâche d’évaluation des habiletés réceptives, le point de départ de l’instructeur est le texte destiné à être lu ou écouté. Il existe de nombreux textes se prêtant à l’évaluation de deux niveaux. Le tableau Contextes de communication pour chaque stade aide à choisir les textes. En outre, le glossaire des NCLC définit un grand nombre de termes et de notions (p. ex., la différence entre un texte « non exigeant » aux NCLC 2 à 4 et « modérément exigeant » aux NCLC 5 à 8). Si l’évaluation vise plusieurs stades (aux NCLC 4 et 5 par exemple) ou trois niveaux, l’instructeur pourrait devoir adapter le texte.
Une fois qu’il a mis la dernière main au texte, l’instructeur peut adapter la tâche et les critères d’évaluation comme il est décrit ci-dessus. Par exemple, pour adapter la tâche de NCLC 3 Lire des annonces de produits simples pour prendre une décision d’achat, l’instructeur devra peut-être apporter les modifications suivantes :
Abaisser au NCLC 2 : Pour réduire le stress de communication, l’instructeur peut demander aux apprenants de lire la première annonce, d’y trouver le prix et les heures d’ouverture du magasin, mais de ne pas prendre leur décision d’achat (ce qui réduit aussi la complexité cognitive).
Hausser au NCLC 4 : Pour accroître la complexité cognitive, l’instructeur peut ajouter une deuxième annonce à lire et augmenter les calculs requis en demandant aux apprenants de comparer les deux produits pour prendre leur décision d’achat.
Pour la collecte des résultats, il existe un grand nombre de tâches et d’outils d’évaluation (échelles d’évaluation descriptive, échelles de notation et autres), dont plusieurs sont présentés dans les exemples pratiques et dans les chapitres Préparation des tâches d’évaluation des habiletés productives et Préparation des tâches d’évaluation des habiletés réceptives.
Centre for Canadian Language Benchmarks (CCLB). (2012). Canadian Language Benchmarks: English as a second language for adults. Ottawa, ON: Author. Retrieved from http://www.cic.gc.ca/english/pdf/pub/language-benchmarks.pdf
Rossiter, M. & Abbot, M. (2012). Planning for and instructing multi level classes using the CLB. ATESL, Alberta Initiatives Gallery, November 13, 2012 [PPT presentation]. Retrieved from http://www.atesl.ca/node/245#.V4Wh2LgrLIU
Skehan, P. (1998). A cognitive approach to language learning. Oxford, UK: Oxford University Press.
[1] La plupart des références sont des ouvrages anglophones qui n’ont pas été traduits. Nous les laissons dans cette section à titre de référence pour ceux qui voudraient approfondir les sujets abordés.