Partie F : IE-NCLC
L’intégration de l’évaluation des NCLC dans votre classe de FLS
L’intégration de l’évaluation des NCLC dans votre classe de FLS
La planification de l’évaluation fait partie intégrante du processus de planification de l’enseignement. Les occasions d’évaluation ne sont pas qu’un « ajout » au cycle d’enseignement, car elles sont intégrées tant aux activités d’apprentissage qu’après celles-ci. Le présent chapitre ne couvre pas en détail le processus de planification de l’enseignement, mais appuie plutôt l’argument selon lequel une évaluation efficace est entièrement enchâssée dans le cycle d’enseignement et requiert une planification aussi rigoureuse que les autres aspects de l’enseignement.
Voici quatre hypothèses qui sous-tendent la planification de l’évaluation. Au fil de votre lecture et de votre réflexion sur votre façon de procéder, vous vous rendrez probablement compte que vous intégrez déjà l’évaluation dans votre cycle d’enseignement, peut-être sans le percevoir comme tel.
PRÉOCCUPATIONS
« Comment planifier à la fois l’évaluation de l’apprentissage et l’évaluation au service de l’apprentissage? »
« Comment m’y prendre pour que l’évaluation fasse naturellement partie de mes pratiques d’enseignement et que je n’aie pas l’impression de ne faire qu’enseigner et évaluer? »
Dans les classes où l’on pratique l’évaluation au service de l’apprentissage, toutes les évaluations visent à améliorer l’apprentissage. Toutefois, l’approche diffère selon que l’objet premier est de fournir de la rétroaction liée à l’évaluation au service de l’apprentissage ou que la tâche sert aussi à vérifier les acquis, soit à fournir de l’information sur l’évaluation de l’apprentissage. L’objet de l’évaluation (parfois plus d’un) aura une incidence sur la conception et l’organisation de la tâche (p. ex., le niveau de soutien prévu) ainsi que sur le type de rétroaction donnée.
Le tableau qui suit est une adaptation de la typologie des évaluations mise au point par Chris Davison (Davison & Leung, 2009). Trois possibilités y sont présentées, allant de l’évaluation très informelle au service de l’apprentissage faite pendant l’enseignement (à gauche) à l’évaluation plus formelle de l’apprentissage (à droite).
Évaluation informelle | Évaluation planifiée et intégrée | Évaluation formelle | |
Objet premier | Évaluation au service de l’apprentissage pendant l’enseignement | Évaluation au service de l’apprentissage à l’aide de tâches | Évaluation de l’apprentissage, y compris rétroaction dans le cadre de l’évaluation au service de l’apprentissage |
Définition | Fait partie intégrante, très informelle, de l’enseignement quotidien | Partie intégrante du cycle d’enseignement et d’apprentissage | Partie intégrante du cycle d’enseignement et d’apprentissage; occasion d’évaluer le rendement des apprenants selon les critères des Niveaux de compétence linguistique canadiens (NCLC) |
Degré de planification | Est souvent spontanée, au fil des besoins | Processus informel planifié | Préparée d’après les besoins, les unités d’enseignement et les attentes se rapportant aux NCLC |
Accent | Renvoie aux apprenants; est centrée sur le processus d’apprentissage | Renvoie aux NCLC, mais est centrée sur le processus d’apprentissage et les progrès des apprenants | Renvoie aux NCLC; est centrée sur les progrès des apprenants et les écarts entre rendement réel et souhaité |
Rétroaction | Peut être directe ou implicite; peut viser les apprenants individuellement ou en groupe classe; peut être donnée pendant ou après la tâche | Rétroaction directe et descriptive basée sur le point de départ des apprenants; peut provenir de diverses sources – autoévaluation, évaluation par les pairs ou l’instructeur | Indication du degré de succès de la tâche d’après des critères NCLC déterminés; rétroaction directe et descriptive |
L’approche de l’évaluation et des stratégies utilisée dépendra de l’objet premier de l’évaluation.
Évaluation informelle : L’instructeur inclut à son enseignement en classe une évaluation informelle quotidienne. Il donne de la rétroaction informelle et adapte son enseignement à la réponse des apprenants. Il intègre diverses stratégies :
Évaluation planifiée et intégrée : Dans le cadre de sa planification, l’instructeur intègre une série de tâches langagières alignées sur les NCLC. Certaines seront conçues principalement pour offrir des occasions de croissance et de développement, et ne viseront que la rétroaction sur l’évaluation au service de l’apprentissage. Parfois appelées « tâches de mise en pratique des compétences », elles peuvent se fonder sur un éventail de stratégies :
Évaluation formelle : D’autres tâches langagières sont conçues pour fournir de la rétroaction sur l’évaluation de l’apprentissage; elles sont fondées sur les critères d’évaluation alignés sur les NCLC, et les critères de succès sont précisés. Les apprenants exécutent ces tâches seuls, et la rétroaction de l’instructeur leur indique s’ils ont ou non répondu aux attentes d’un niveau donné. Pour soutenir aussi les tâches d’évaluation au service de l’apprentissage, l’instructeur fournit aux apprenants de la rétroaction dynamique, soit des conseils pour améliorer leur rendement. Pour obtenir un complément d’information sur la manière de donner de la rétroaction, se reporter au chapitre 7.
En examinant l’objet de l’évaluation, nous pouvons cerner certains des problèmes courants que pose l’évaluation authentique en cours d’apprentissage.
Le premier dont fait souvent état l’instructeur qui commence à pratiquer l’évaluation authentique est qu’il a l’impression de passer son temps à enseigner et à évaluer. Le cas échéant, il est possible que l’instructeur ait passé trop rapidement aux tâches d’évaluation de l’apprentissage sans avoir pris suffisamment le temps de se concentrer sur l’évaluation au service de l’apprentissage. Au début du semestre, alors que les apprenants développent de nouvelles habiletés, les tâches leur offrant des occasions de pratique et la rétroaction qui n’est pas de l’évaluation sont particulièrement importantes pour leur croissance et leur amélioration. Tandis que l’instructeur planifie les occasions d’évaluation, il aura avantage à insister sur la rétroaction dans le cadre de l’évaluation au service de l’apprentissage au cours des premières phases d’apprentissage.
Le second problème est ce qu’on appelle « l’effet du faux positif » : les apprenants se sont si bien préparés pour l’évaluation qu’ils peuvent réussir une tâche d’évaluation de fin de module, mais seront incapables de démontrer les mêmes habiletés pendant une tâche similaire, plusieurs semaines plus tard.
L’effet de faux positif peut survenir si on fournit trop de soutien pendant la tâche d’évaluation. La réalisation d’une tâche d’évaluation de l’apprentissage devrait se faire de façon indépendante par les apprenants, c’est-à-dire sans aucun soutien de l’instructeur. L’effet de faux positif peut aussi survenir dans le cas où l’instructeur donne d’abord une tâche comme activité de mise en pratique des compétences, puis qu’il la répète plus tard comme tâche d’évaluation. L’instructeur qui prépare une tâche d’évaluation de l’apprentissage gardera à l’esprit que les apprenants doivent s’exercer aux habiletés sous-jacentes, mais non à la tâche elle-même.
Prenons l’exemple d’apprenants au NCLC 3 qui s’exercent deux par deux à une tâche d’expression orale : ils s’assoient dos à dos, et chacun donne à l’autre des instructions pour se rendre quelque part au moyen d’un plan du quartier de l’établissement d’enseignement. Après l’activité, ils font une autoévaluation et une évaluation par les pairs en comparant leur plan. Plus loin dans l’unité d’enseignement, ils pourront utiliser les mêmes habiletés dans un contexte différent à l’occasion d’une tâche d’évaluation de l’apprentissage, pendant laquelle ils consigneront leurs instructions à un camarade au moyen d’un plan simple du centre-ville, puis obtiendront la rétroaction de l’instructeur. Le changement de tâche et de contexte aide à éviter l’effet de faux positif.
En outre, pendant le semestre, l’instructeur a avantage à planifier des activités qui permettent aux apprenants de transférer leurs acquis à de nouvelles situations et à démontrer des compétences clés dans de nouveaux contextes, avec de moins en moins de soutien. Avec ce type de planification, l’instructeur s’assure que les apprenants sont en mesure de transférer leurs habilités à de nouveaux contextes, et évite une fois de plus l’effet de faux positif.
Prenons l’exemple d’une unité sur la location d’un logement, dans laquelle les apprenants doivent accomplir une tâche d’expression écrite : rédiger une plainte à leur propriétaire. Plus tard, à l’occasion d’une unité sur les emplettes, l’instructeur pourrait donner aux apprenants une tache d’évaluation consistant à écrire une courte plainte par courriel au sujet d’un article acheté sur le Web.
En présumant que l’instructeur se fondera sur les preuves de l’évaluation authentique en cours d’apprentissage pour déterminer les niveaux, il trouvera les questions qui suivent utiles pour sa planification.
Au cours du semestre…
Les exemples suivants illustrent la progression d’une classe, au cours du semestre, de l’évaluation vers le NCLC 4 en expression écrite.
EXPRESSION ÉCRITE – NCLC 4
Début du semestre – tâche d’évaluation au service de l’apprentissage
Dans le cadre d’une unité intitulée Se présenter, l’instructeur demande aux apprenants de rédiger un paragraphe décrivant leur arrivée au Canada. En expression écrite de NCLC 4, l’une des attentes est la maîtrise de la structure de base du paragraphe, mais les apprenants pourraient ne pas connaître la phrase d’introduction. L’instructeur fait avec la classe un remue-méninges sur de possibles phrases d’introduction et détails à ajouter. Les critères de la tâche sont indiqués au tableau, et les apprenants les recopient sous leur paragraphe. Avant de remettre leur travail, ils cochent ceux auxquels ils pensent avoir répondu (autoévaluation). L’instructeur coche à son tour les critères qui ont, à son sens, été remplis, souligne certaines erreurs que les apprenants devront corriger et formule uniquement des commentaires pour attirer l’attention des apprenants sur une mesure importante qu’ils pourront prendre pour s’améliorer.
EXPRESSION ÉCRITE – NCLC 4
Mi-semestre – tâche d’évaluation au service de l’apprentissage
À la fin d’une unité sur les lieux à visiter dans le quartier, les mêmes apprenants réalisent une tâche d’évaluation. L’instructeur leur demande d’écrire un courriel à un camarade au sujet d’un lieu qu’ils ont visité. La tâche est exécutée sans aucun soutien. L’instructeur leur présente préalablement l’outil d’évaluation – une échelle de notation alignée sur les NCLC – qui précise les critères de succès au NCLC4. L’instructeur commente ensuite le niveau de succès d’après l’échelle de notation, et ajoute de la rétroaction dynamique. Il encercle certaines erreurs que les apprenants corrigent avec l’aide d’un camarade s’ils le souhaitent.
Conformément à l’un des grands principes des NCLC, la planification de l’enseignement et de l’évaluation se fonde sur les besoins et les objectifs qu’ont déterminés eux-mêmes les apprenants dans les contextes qui leur sont pertinents – travail, études et collectivité. L’instructeur intègre le processus l’évaluation continue des besoins pour s’assurer de la pertinence des sujets, thèmes et situations sociales qu’il présente à sa classe.
Les exemples à la fin de la présente trousse illustrent un enseignement et une évaluation fondés sur les besoins des apprenants.
Les NCLC constituent un cadre de référence axé sur les tâches authentiques. Le but de l’enseignement et de l’évaluation est de préparer les apprenants à réaliser avec succès des tâches langagières dans le cadre de leurs interactions hors de la classe. Pour ce faire, l’instructeur inclura à son enseignement une variété d’activités de développement des habiletés et de tâches langagières de mise en pratique simulant la vie réelle. Le continuum ci-dessous compare les caractéristiques des activités de développement des habiletés et les tâches de mise en pratique.
Aussi appelées « activités habilitantes » | Simulent la vie réelle | |
Peuvent ou non être des activités de communication | Sont des tâches de communication | |
Développent des habiletés individuelles essentielles | Permettent de s’exercer aux tâches authentiques qui seront réalisées hors de la classe | |
Sont axées sur la forme et l’exactitude | Sont axées sur l’aisance et le sens | |
Offrent un échafaudage maximal | Offrent un échafaudage minimal | |
Nécessitent des choix langagiers ou des phrases mémorisées restreints | Nécessitent un répertoire de ressources langagières et non langagières pour l’atteinte de l’objectif | |
Peuvent comporter une pratique contrôlée au moyen de la manipulation de formes grammaticales ou phonologiques distinctes | Peuvent comporter des précisions quant au sens pour s’assurer que le message est compris | |
Sont gérées par l’instructeur | Sont gérées par l’apprenant | |
(Adaptation de Holmes, Kingwell, Pettis, & Pidlaski, 2001, p.66) |
Planifier un module, plutôt que de choisir isolément les tâches d’enseignement et d’évaluation, aide à tenir compte des objectifs – on commence par définir les résultats de l’apprentissage (dans ce cas-ci, les NCLC), qui servent à décider de la méthodologie et du contenu de l’unité (Richards, 2013). Cette façon de procéder comporte de nombreux avantages, et aboutit à des plans qui :
Au besoin, l’instructeur aura facilement accès à des modèles de planification d’unité fondés sur diverses approches. Dans la présente trousse, les exemples portent sur le modèle de planification de l’évaluation linguistique basée sur le portfolio (ELBP). L’ELBP comprend un certain nombre d’éléments essentiels à la planification de l’enseignement et de l’évaluation se rapportant aux NCLC.
Ce plan d’unité aide l’instructeur à prévoir une série de tâches authentiques étroitement liées à un seul thème ou sous -thème qu’il choisit en consultant les apprenants. Le plan définitif décrit :
Davison, C., & Leung, C. (2009). Current issues in English language teacher-based assessment. TESOL Quarterly, 43(3), 393-415.
Holmes, T., Kingwell, G., Pettis, J & Pidlaski, M., (2001) Canadian Language Benchmarks 2000: A guide to implementation. Ottawa, ON: Centre for Canadian Language Benchmarks.
Richards, C., (2013). Curriculum approaches in language teaching: forward, central, and backward design. RELC Journal 44(1), 5-33.
[1] La plupart des références sont des ouvrages anglophones qui n’ont pas été traduits. Nous les laissons dans cette section à titre de référence pour ceux qui voudraient approfondir les sujets abordés.